"L’article L 64 du LPF définit la théorie de l’abus de droit comme la volonté par le contribuable de rechercher à bénéficier d’une application littérale des textes à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs. Ce critère est considéré comme un critère objectif de la notion d’abus de droit.
À ce critère objectif s’ajoute un critère subjectif : la recherche d’un but exclusivement fiscal.

Ces deux critères étant cumulatifs, si l’administration arrive assez facilement à définir les contours du caractère objectif il n’en été pas de même pour le caractère subjectif exclusivement fiscal.
Beaucoup de montages avaient, certes, un objectif fiscal mais pas EXCLUSIVEMENT fiscal. Dès lors, les conseils pouvaient essayer de prouver que si le montage avait des avantages fiscaux, l’objectif était tout autre et que la théorie de l’abus de droit de l’article L 64 du LPF ne trouvait pas à s’appliquer.
Malgré cela, dans un avis du 25/11/2019 le CADF (Comité d’Abus de Droit Fiscal) va considérer qu’un montage de démembrement de parts sociales de SCI, fait afin de bénéficier de l’application de l’article 238 bis K du CGI, devait être considéré comme inopposable à l’administration en application de l’art 64 du LPF.
L’article 238 bis K précité prévoit que « lorsque des droits dans une sociétés sont inscrits à l’actif d’une personne morale passible de l’IS, la part des bénéfices correspondant à ces droits est déterminée selon les règles applicables au bénéfice réalisé par la personne ou l’entreprise qui détient ces droits »
À la lecture de cet article M. X et ses enfants vont imaginer la mise en place d’un montage permettant de paralyser l’impôt foncier dû dans le cadre des SCI mais également de pouvoir continuer à bénéficier de l’abattement pour durée de détention.
M.X et ses enfants vont créer une SCI au capital de 1 000€. Ils vont céder temporairement l’usufruit de cette société à une autre société commerciale B dont ils détiennent 100% du capital. M.X et ses enfants vont créer une HOLDING dont le siège social est au Luxembourg et qui est propriétaire de 100% de la société commerciale B.
M.X et ses enfants vont créer une SCI relevant de la fiscalité des personnes, capital 4 M€ ; ils vont céder à la société B l’intégralité de l’usufruit évalué en application de l’article 669 du CGI pour un montant de 1,84 M€. Le montant en capital de la nue-propriété ne sera jamais libéré.
La SCI va acquérir le 30 mars 2012 différents immeubles pour un montant de 4M€ qui sera payé pour partie par l’apport en usufruit de la société B et le solde, soit 2,6M€, par un crédit bancaire.
Devant le succès de leur montage et enivré par leur réussite les consorts X vont perfectionner le montage ; ils vont créer de juillet 2013 à novembre 2013 10 SCI toute soumises au régime des sociétés de personnes selon un schéma identique :
Capital 1000 € Consort X 98 ou 99% société B 1 ou 2%
– Cession de l’usufruit temporaire par les consorts X à B évalué sur le capital social 1 000€
– Augmentation de capital en fonction de la valeur des immeubles qui seront acquis par les SCI
– Bien évidement les consorts X et la société B participent en fonction de la valeur de la nue-propriété et de l’usufruit déterminée par l’art 669 du CGI à cette date U = 69%
– Déblocage de l’augmentation du capital par B soit sur leurs fonds propres soit par souscription de crédit, le nu propriétaire, quant à lui, ne débloquera jamais les fonds correspondant à l’augmentation de capital.
L’usufruit temporaire est fixé pour une durée de 25 ans pour 5 sociétés et 29 ans pour les autres.
Chaque SCI va faire l’acquisition d’immeubles à usage professionnel financés pour partie par ses fonds propre correspondant à la libération du capital faite par B, le solde étant financé par un concours bancaire.
À ce stade les consorts X n’ont toujours pas versé 1 €.
Les 11 SCI ont procédé à l’amortissement des immeubles acquis et ont déterminé leur résultat selon les règles applicable en matière de BIC, les résultats étant qu’en à eux soumis à IS au nom de la société B en sa qualité d’usufruitière des parts des 11 SCI.
Le résultat des SCI n’a généré aucun bénéfice puisque les charges d’intérêt d’emprunt supportés par B et les amortissements comptabilisés par cette société afférente à l’amortissement de l’usufruit temporaire des parts ont conduit à un résultat déficitaire.
La simple concession d’un usufruit à durée fixe permet de maitriser la fiscalité tant en phase de détention par l’organisation d’une situation structurellement déficitaire que lors de la cession du bien immobilier celui-ci devant intervenir à la fin du contrat d’usufruit fixe, grâce à l’exonération des associes bénéficiant de l’abattement pour durée de détention.
Dans le cadre d’un contrôle de comptabilité de la société B l’administration fiscale saisira le CADS qui rendra un avis le 15/11/2019 constatant l’abus de droit et rendant le montage réalisé inopposable à l’administration.
Démembrement de propriété et mini abus de droit article L 64 A du LPF.
Ce texte a été instauré par la loi des finances 2020. Il faut rappeler que l’article L 64 n’est pas pour autant abrogé ; il continue à s’appliquer pour toute convention signée avant le 31/12/2019.
Ce texte est la copie conforme de l’article L64 à une nuance près :
Le but recherché n’est plus exclusivement fiscal mais principalement fiscal.
Le BOFIP vient néanmoins de rappeler la nécessité de combiner à ce critère subjectif le critère objectif de l’utilisation d’un texte à l’encontre de l’intention du législateur ou de l’auteur de la décision.
La question de savoir si les contribuables poursuivent un objectif principalement fiscal ne se posera pas désormais dès lors que les contribuables ne feront qu’agir conformément aux incitations qui lui sont adressées par le législateur. Le contribuable peut choisir le cadre juridique le plus favorable du point de vue fiscal.
Il convient de rechercher l’intention du législateur à travers les différents documents fournis par l’administration fiscale : ce n’est que lorsque le but recherché ne correspond pas à la volonté du rédacteur que l’objectif principalement fiscal devra être analysé."
Source : Maître Patrick GERVAIS - 29/09/2020 - https://cojustra.fr/demembrement-de-propriete-et-abus-de-droit
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